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couleur et à la ruine totale des départemens du Sud et de l’Ouest. Il avait, dans tous les endroits, placé des hommes qui, comme lui, avaient fait le même serment. Ceux-là parcouraient les habitations, prêchaient aux braves cultivateurs qu’il ne fallait point travailler pour être libre, et que tous ceux qui les y engageaient étaient des tyrans et n’exécutaient pas la volonté nationale. Ces hommes promettaient des grades supérieurs aux citoyens qui seconderaient et exécuteraient leurs ordres, relativement aux arrestations illégales qu’ils projetaient[1]. Déjà, avant l’arrivée du général Desfourneaux dans le Sud, le citoyen Rey, dont l’immoralité était bien connue de tous les citoyens de la colonie, avait occasionné une secousse dans tous les esprits, d’autant plus fondée qu’il ne tarda pas à confirmer l’opinion qu’on avait conçue de lui. — Leborgne était trop violent, trop exalté ; ce caractère ne convenait point à un délégué du gouvernement français[2]. Il ne pouvait que l’entraîner à des erreurs incalculables. Cet homme, d’ailleurs, n’avait pas assez de moralité pour résister aux séductions de tous genres. — Leur conduite privée a révolté tout le monde ; ils affichaient un luxe scandaleux qui ajoutait encore aux vexations multipliées qu’ils faisaient éprouver aux citoyens paisibles. Leur maison était un lieu de débauche : ils dépensaient des sommes énormes … On profita de l’absence du général Rigaud… pour faire des arrestations, notamment celle du citoyen Lefranc. Il n’en fallait pas davantage pour irriter les citoyens cultivateurs qui avaient toute leur confiance dans ce citoyen, qui a constamment soutenu avec acharnement leur liberté ! [3] »


A. Chanlatte rend justice ensuite à Rigaud pour toutes les mesures qu’il prit dès son arrivée aux Cayes, afin de préserver les personnes et les propriétés ; il parle de l’état, florissant des cultures dans toutes les campagnes qu’il a parcourues. Il concluait à engager l’agence à envoyer dans le Sud et l’Ouest de nouveaux délégués mûris par l’âge, dont la probité et le civisme seraient bien connus. Il disait enfin de Rigaud et des autres hommes de couleur :

  1. Le rapport des délégués avoue qu’ils avaient des brevets signés en blanc.
  2. Leborgne avait pris le surnom de Maral des Antilles.
  3. Rapport de Marec, pages 103 et 104.