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Voit-on, du reste, comment les réflexions douloureuses de l’agencé s’accordent au fond avec celles de Rochambeau, relativement aux noirs ?

Tous ces actes parvenus en France, livrés à la pâture de la faction coloniale qui ne cessait de publier des écrits contre l’affranchissement des noirs, qui gagnait chaque jour quelques nouveaux prosélytes à son infâme cause, ne pouvaient manquer de faire réfléchir aussi le gouvernement directorial sur la position critique des Européens à Saint-Domingue. Et croit-on alors que, reconnaissant l’impossibilité d’y envoyer des troupes, à cause de la guerre avec la Grande-Bretagne, ce gouvernement n’aura pas arrêté d’y obvier, en faisant semer la division parmi toute cette population noire qu’on lui désignait comme hostile aux Européens ? Il avait envoyé ses agens pour détruire l’influence de la classe la plus éclairée, d’après les rapports mensongers du gouverneur et de l’ordonnateur ; et à peine ils se mettaient à l’œuvre, qu’ils se déclaraient impuissans pour arrêter les désordres et l’anarchie qu’ils attribuaient aux noirs. Il faudrait avoir une foi aveugle dans la prétendue bienveillance de ce gouvernement, pour croire qu’il n’arriverait pas à cette pensée de la faiblesse et de l’impéritie.

Tel sera le résultat des rapports de l’agence : la guerre sera allumée entre les seuls défenseurs de la colonie.


Quoi qu’il en soit, le 19 thermidor (6 août), comme nous l’avons dit, l’agence avait proclamé la constitution de l’an in au Cap. Ayant écrit à Rigaud et à Bauvais pour déclarer nulles et non avenues les élections qui avaient eu lieu en mars et avril, dans le Sud et l’Ouest, l’agence ordonna, par cette même proclamation, la convocation