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proclamations qui ont promis amnistie, ont excédé les bornes de leur pouvoir. »

Pour blesser cette constitution, il aurait fallu qu’elle eût été d’abord mise en activité ; et le même rapporteur a dit qu’elle n’avait été que proclamée : cette proclamation n’a eu lieu, au Cap, que le 19 thermidor (6 août), trois mois après l’arrivée de l’agence, selon Marec lui-même. L’agence procédait donc arbitrairement : déporter les accusés en France, n’était-ce pas une compensation suffisante de l’anathème lancé contre toute la classe des hommes de couleur dont on voulait détruire le prestige et le pouvoir ? La modération et l’impartialité de cette agence n’étaient donc qu’apparentes ; sa prudence seule était réelle, car elle avait reconnu que Villatte était aimé des noirs ; il ne fallait pas les irriter par une sévérité exorbitante ; en l’éloignant de la colonie on remplissait mieux le but qu’on se proposait. D’un autre côté, comme on voulait arriver à l’arrestation de Pinchinat, et priver les hommes de couleur de ses conseils éclairés ; comme on se proposait d’arracher le pouvoir à Rigaud, même à Bauvais, il fallait encore être prudent pour ne pas trop éveiller leurs soupçons. Dans une telle combinaison ne reconnaît-on pas le génie de Sonthonax ?

Voilà les vrais motifs de la décision de l’agence par rapport à Villatte.


On a vu Perroud écrire de Santo-Domingo une lettre à Rigaud, où il attribuait l’affaire du 30 ventôse aux colons de la faction Léopardine. Il arriva au Cap peu avant l’embarquement de Villatte. Changeant alors de rôle, mais persévérant dans les sentimens haineux qu’il avait toujours nourris contre les hommes de couleur, il rédigea un écrit qu’il intitula : Précis des derniers troubles,