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Nous ne dirons pas que Laveaux était un agent des colons ; mais la mésintelligence qu’il entretenait entre T. Louverture et Villatte, entre les noirs et les mulâtres, par suite de ses préventions personnelles, servait à souhait le désir et le plan des colons. Nous verrons plus tard comment d’autres agens de la métropole, par leurs fautes, sinon par leurs intentions, le servit aussi ; comment T. Louverture le réalisa ; comment, enfin, la France, un peu plus qu’ennuyée, tenta de le mettre à exécution, malheureusement pour les colons et pour elle-même, mais fort heureusement pour la race noire.

Enfin, les commissaires respectifs des généraux, convaincus par les sages paroles de Roume, reconnurent qu’une réconciliation franche était du devoir de tous, que l’oubli du passé devait être proclamé au nom de la France et du bien général. Ils se donnèrent l’accolade fraternelle et républicaine, au nom de leurs commettans, pour leur servir d’exemple.

Roume s’empressa d’écrire à Laveaux, T. Louverture, Villatte, Léveillé, Pierre Michel, pour leur faire savoir le résultat de la conférence des commissaires et les inviter tous à l’oubli du passé, à la bienveillance entre eux, à l’union. Il prêchait dans le désert, comme au temps de sa première mission.

Laveaux nous apprend qu’il répondit à Roume : « Il est impossible de songer à faire rentrer Villatte dans la ville du Cap. Les crimes de cet homme ne laissent aucune voie à l’indulgence, et il ne faut plus songer à obtenir la moindre subordination, s’il n’est pas puni. »

S’il y avait, entre tous ces cœurs aigris l’un contre l’autre, quelqu’un qui pût donner l’exemple de l’oubli du passé, c’était sans contredit Laveaux qui avait été mal-