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général de l’armée. Il reproduisit la scène sacrilège dont des fanatiques avaient donné l’exemple, en Amérique, contre les Indiens, qu’ils avaient renouvelée, sous Charles IX, contre les Huguenots.

Afin de laisser sans doute un libre cours à la barbarie de Jean François, Don G. de Cassassola sortit de la ville, où il ne rentra que deux jours après.

Les noirs massacrèrent tous les Français qu’ils rencontrèrent dans les rues ; ils les poursuivirent dans leurs demeures et firent main basse également sur leurs familles. 743 personnes de tout âge et de tout sexe furent victimes de ces atroces fureurs. Celles qui réussirent à gagner les chaloupes des navires de guerre espagnols qui étaient dans la baie, furent généreusement sauvées de ce carnage. L’amiral Don F. Montés avait immédiatement donné l’ordre à ses officiers d’envoyer ces embarcations sur le rivage. Quelques autres qui purent pénétrer parmi les troupes espagnoles furent également épargnées ; mais ces troupes ne firent rien pour empêcher le massacre, leurs chefs n’en ayant pas reçu l’ordre, ou approuvant le crime eux-mêmes. On conçoit facilement que le pillage des effets de ces malheureux habitans en fut le résultat final.

Si Jean François vendait aux Espagnols des noirs pour être esclaves, il ne pouvait guères être humain envers les blancs français du Fort-Dauphin. S’il promit le pillage de ces habitans à ses bandes de forcenés, pour les retenir sous ses ordres, il est également probable que Don Gaspard de Cassassola consentit à ces actes de barbarie. L’histoire est donc en droit de les accuser tous deux d’avoir violé en cette circonstance les saintes obligations de l’homme envers ses semblables.