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rait-il se poser en gouverneur de Saint-Domingue, au détriment de ses collègues ? Pouvait-il croire que le gouvernement de la métropole eût approuvé la déchéance de Laveaux, survenue par une cabale populaire, en violation de toutes les lois ?

Le devoir strict de Villatte, sous le triple rapport moral, politique et militaire lui prescrivait donc de se placer à la tête des troupes de la garnison, de mettre immédiatement en liberté le gouverneur, l’ordonnateur et les autres détenus, de les rétablir dans leur autorité, et de balayer la ville du Cap des intrigans qui souillaient cette autorité, qui troublaient la tranquillité publique. Ce serait perdre le sens moral et faire preuve de passions indignes de l’historien, que de conclure autrement.

Supposons qu’après une telle conduite, Laveaux eût persévéré dans ses préventions contre Villatte, tout l’odieux lui serait resté aux yeux de la métropole, aux yeux de tous les homme sensés de la colonie, aux yeux de l’histoire. N’est-il pas, pour un homme placé à une situation élevée dans la société, dans la hiérarchie des fonctions publiques, des circonstances où il faut préférer d’être victime de l’accomplissement d’un devoir consciencieux, plutôt que d’être ou même de paraître de connivence avec les méchans ? La postérité n’est-elle pas là, ne doit-elle pas arriver pour flétrir les supérieurs qui abusent de leur pouvoir ? La condition de l’homme est-elle de toujours réussir, alors même qu’il est animé des meilleurs, des plus beaux sentimens ? Il faut qu’un homme public s’attende à ces revers de fortune ; mais il ne doit jamais les mériter par ses fautes, par une conduite que sa propre conscience condamne.

Comparons la conduite de Villatte avec celle de Mont-