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malveillante contre Villatte personnellement et contre tous les hommes de couleur sans distinction, nous ne pouvons que blâmer la conduite de Villatte et la qualifier de coupable, moralement, militairement et politiquement parlant.

Moralement, en ce que, quels que fussent les torts de Laveaux envers lui, il n’avait pas le droit de laisser avilir son autorité de gouverneur, ni celle de Perroud comme ordonnateur : son droit était d’adresser ses plaintes au gouvernement français, en exposant les faits, en les particularisant, de manière à espérer justice. Son devoir moral lui indiquait cette marche, conforme à la hiérarchie du pouvoir.

Comme militaire, il se devait de faire appeler immédiatement Pageot, qui était commandant de la province du Nord, pour prendre l’autorité dans la ville du Cap, n’étant lui-même que commandant militaire de l’arrondissement.

Ensuite, sous le rapport politique, Villatte devait reconnaître que les intrigans de toutes couleurs au Cap ne formaient pas le peuple de la colonie, dont l’insurrection simultanée (si elle avait été possible) eût pu justifier, peut être, cette dépossession du pouvoir légal en Laveaux et Perroud. Encore sous ce rapport, le tort de Villatte ne fut pas moins grave : il n’ignorait pas sans doute tout ce qui se préparait, se ménageait entre Laveaux et T. Louverture ; il devait prévoir que ce dernier prendrait infailliblement parti pour le gouverneur, et qu’alors il ne pourrait lutter contre lui, qu’il serait cause de l’élévation de son rival heureux. Enfin, quel résultat pouvait-il espérer, même de son succès plus que douteux ? Villatte, simple général de brigade comme T. Louverture, Bauvais et Rigaud, espé-