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tion, que Villatte était hautement désigné pour être son adjoint. La différence entre les deux versions est certainement grande. On pourrait encore concevoir l’insinuation ; mais prétendre qu’en ce moment quelqu’un se permît de dire hautement qu’il fallait Villatte à cette fonction, c’est ce que le bon sens réfute. Ce dernier était visiblement vaincu ; il était en état de fugitif à son camp, et T. Louverture triomphait de son rival, entouré qu’il était de nombreux officiers dévoués à lui, de nombreuses troupes obéissant passivement à ses ordres.

Mais il est clair qu’alors, et d’après la nouvelle émeute des noirs de la campagne et de la ville contre les blancs, contre Laveaux et Perroud en particulier, Laveaux dut reconnaître qu’il était à bout de son autorité, qu’il ne lui était plus possible de s’y maintenir, et qu’il était victime de son incapacité politique et de sa perfidie, qui l’avaient porté à commettre faute sur faute, et à faire naître une division funeste entre T. Louverture et Villatte, entre les noirs et les hommes de couleur ; que dès-lors il lui fallait subir le joug de son cher fils. Ne venait-il pas de déposer entre ses mains toute son autorité durant vingt-quatre heures ?

Le rusé T. Louverture n’a-t-il pas pu lui-même faire répandre ce bruit dont parle Laveaux, pour amener son bon papa à cette nécessité, en ménageant son amour-propre ? Ce serait peu connaître la finesse de tact de ce noir célèbre, que de croire qu’il était incapable d’une telle combinaison.

Évidemment, en cette circonstance, le génie du noir l’emporta sur l’étroit esprit du blanc nommé Laveaux. En place des chaînes qui n’existaient pas pour mettre les noirs dans l’esclavage, Laveaux s’en mit volontairement