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Quant aux Espagnols, ils avaient au Fort-Dauphin principalement plusieurs régimens de troupes européennes tirées du Mexique, de l’île de Cuba, de Porto-Rico et de la Côte-Ferme. Quelques forces gardaient les autres points déjà désignés, où des émigrés et des colons s’étaient également rendus. Au Fort-Dauphin surtout, ces derniers s’étaient groupés en grand nombre, depuis la capitulation de cette place. Les bandes de Jean François et de Biassou complétaient l’armée espagnole, et c’étaient elles qui agissaient contre la colonie française.

Don Gaspard de Cassassola commandait au Fort-Dauphin. C’était un vieillard infirme, par conséquent incapable d’énergie. Probablement il partageait les préjugés que sa nation avait alors contre les Français, considérés comme un peuple d’athées et de régicides.

Or, il y avait fort peu de temps que des dissensions avaient éclaté entre Jean François et Biassou : le premier avait promis à ses gens de leur donner le pillage du Fort-Dauphin, s’ils l’aidaient à vaincre Biassou. Promesse faite devait être tenue avec de pareils hommes, habitués depuis trois ans à tous les genres de crimes dont les chefs eux-mêmes donnaient le honteux exemple. Après ses succès contre Biassou, ces bandes demandèrent à Jean François l’exécution de sa promesse. Ce généralissime espérait sans doute d’avoir une part du butin ; mais il craignait aussi leur défection en faveur de T. Louverture qui, récemment converti à la République française, employait des agens secrets à travailler leur esprit. Il se résolut alors à tenir à sa parole. D’un autre côté, les autorités espagnoles, redoutant également de nouvelles défections parmi ces noirs, n’étaient que trop disposées à leur accorder tout ce qu’ils demanderaient.