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drigue et tous les hommes de couleur et des blancs de cette ville, ceux-ci n’ont-ils pas pu le mettre aussi en suspicion, et croire qu’il avait contre eux de mauvais desseins ?

Dans une pareille situation, toujours propre à faire naître des complications sérieuses, Rodrigue ayant été déjà arrêté pour être embarqué pour France, lui et les autres désignés dans les dépêches de Laveaux, ont pu croire à la possibilité d’une tentative de sa part contre eux : de là, l’attentat commis sur sa personne, sur celle de Perroud et de quelques autres, dont nous allons parler. Nous nous expliquons ce fait, d’après un passage des dépêches de Laveaux au gouvernement français :

« Le peuple, dit-il, est bon et très-bon, facile à persuader ; et s’il n’existait pas un parti turbulent qui, par le départ de six ou sept personnes, serait totalement anéanti, la tranquillité serait au Cap. »

Lorsqu’une autorité, et une autorité militaire surtout, a de pareilles pensées, il n’est qu’un pas de l’idée à l’exécution. Laveaux avait débuté par Rodrigue, pour essayer ses forces ; il avait dû renoncer à l’embarquer, mais il devait fatalement persévérer dans son projet, en s assurant du concours de T. Louverture et des autres officiers noirs à la dévotion de celui-ci. Nous regrettons de n’avoir pu posséder les lettres du gouverneur à T. Louverture, qui eussent pu mieux éclaircir les faits.

Quoi qu’il en soit, Laveaux nous apprend que le 10 mars, il donna un bal auquel il invita blancs, mulâtres et noirs ; qu’on y fut fort gai et content, et qu’on lui en demanda un autre pour le 20. Mais que le 19, beaucoup d’hommes de couleur de toutes les paroisses arrivèrent au Cap ; Maillot, Levasseur et d’autres (mulâtres) vinrent le voir : il les