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d’avoir un père aussi bon et qui m’aime autant que vous faites ! Soyez persuadé que votre fils est votre ami sincère, qu’il vous soutiendra jusqu’à la mort. »

Le 18 mars, deux jours avant l’affaire du 30 ventôse, il lui écrit encore des Gonaïves :

« Il est impossible à moi, mon cher général et cher papa, de trouver des expressions assez fortes pour vous témoigner la satisfaction que mon âme a éprouvée, en lisant votre lettre consolante du 26 (du 16 mars). Mon cœur a été si plein et l’est encore, que je ne puis la fixer, ni penser à vous sans répandre des larmes de tendresse. Il existe sans doute des amitiés pures, mais je ne puis me le persuader qu’il en est qui surpasse celle que j’ai pour vous, ni de plus sincère. Oui, général, Toussaint est votre fils, il vous chérit ; votre tombeau sera le sien ; il vous soutiendra au péril de sa vie. Son bras et sa tête sont toujours à votre disposition ; et si jamais il venait à succomber, il emportera avec lui la douce satisfaction d’avoir défendu un père, un ami vertueux, et la cause de la liberté…

« Les officiers et les soldats de l’armée que je commande, vous assurent de leur attachement ; et moi, je vous embrasse un million de fois.  »

Si T. Louverture tirait bon parti de la crédulité de Laveaux, il ressort aussi de ses trois lettres ci-dessus, qu’il se concertait entre eux certain plan contre Villatte ou tous autres au Cap : ces promesses récidivées de le soutenir, ce bras et cette tête qui sont toujours à la disposition du gouverneur, sont des expressions qui l’indiquent. N’est-il pas présumable alors qu’au Cap même, Laveaux a dû faire des dispositions, agir envers les officiers supérieurs noirs qui s’y trouvaient, de manière à inspirer des soupçons sur ses intentions ? Si, lui-même, il soupçonnait Villatte, Ro-