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niers comme lui, pour les constater. Toujours est-il que Montbrun n’en accuse pas Rigaud, mais Lefranc personnellement, qui a toujours été réputé pour être un homme cruel.

Ce fait d’exhumation du cadavre de Dieudonné, qui dénoterait une barbarie odieuse de la part de Lefranc, n’est-il pas croyable, lorsqu’on a lu dans le chapitre IV de ce livre, que Verneuil poussa sa vengeance jusqu’à requérir l’exhumation du cadavre de Polvérel, pour que la justice s’assurât si cet homme de bien ne s’était pas empoisonné ? Toute la différence entre ces deux faits, consiste en ce que le mulâtre agit de sa propre autorité, tandis que le blanc fut contraint de s’adresser à un officier public préposé par la loi ; mais la coupable intention, la dépravation du cœur est la même de leur part.

Laveaux dit à ce sujet : « Dieudonné et Pompée ne voulant pas être commandés par des mulâtres, Rigaud réussit à les faire tomber entre ses mains. On les conduisit à Léogane où ils périrent dans les plus affreux tourmens. Quelques torts qu’ait pu avoir Dieudonné, il sera toujours bien difficile de justifier une vengeance dont les circonstances d’ailleurs font frémir »[1].

Nous sommes de son avis quant à cette mort affreuse. Mieux eût valu que, reconnaissant la trahison de Dieudonné, Rigaud l’eût fait juger et fusiller, comme il avait fait de Labuissonnière, comme Laveaux lui-même avait fait de Gautier, de Chadirac et d’autres traîtres.

Enfin, Rigaud explique la mort de Dieudonné et de

  1. Voyez la partialité de Laveaux : il a su par le rapport de T. Louverture, d’après ses officiers, que ces hommes avaient des intelligences avec les Anglais, et il ne parle de leur mort que comme une vengeance de Rigaud, parce qu’ils ne voulaient pas être commandés par des mulâtres.