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avant qu’il se fût transporté dans les montagnes du Port-de-Paix.


Vous savez, dit-il à Étienne Datty, que je suis l’ami de l’ordre, de l’union, de la tranquillité, et que je suis noir comme vous, et que mes intérêts sont les vôtres et ceux de tous tes hommes de notre couleur. Écoutez-moi, mon ami, écoutez un noir comme vous… Rappelez-vous que Toussaint Louverture est le véritable ami de sa couleur, et que son amitié pour eux le fera plutôt mourir mille fois que les voir rentrer sous le joug tyrannique d’où il s’est efforcé de les retirer. Vous savez que lorsqu’une personne a quelques taches sur sa figure, il cherche un miroir pour les voir. Eh bien ! mon ami, c’est moi qui suis le miroir des noirs, c’est moi qu’ils doivent consulter, s’ils veulent jouir de la liberté. C’est à moi qu’il fallait vous adresser… Écoutez un frère qui veut le bonheur de tous les noirs. J’envoie auprès de vous le commandant Jean-Pierre Duménil qui est un noir comme vous, qui vous dira de vive voix mes intentions… J’ai vu par la lettre que vous avez écrite à Danty (mulâtre), commandant du Gros-Morne, qu’il semblerait que vous voudriez suivre le régime du Cap… Vous ne devez pas écouter les ennemis de la liberté et de la République. — Je désirerais beaucoup vous voir, ayant bien des choses à vous dire qui nous sont essentielles pour toute notre couleur… Je suis fâché que vous ayez agi sans m’écrire, et que vous ayez écrit aux autres (à Danty). Si vous n’aviez pas pu écrire au gouverneur général, c’était à moi qu’il fallait vous adresser ; je vous aurais mis dans le bon chemin, et lui aurais parlé pour vous. Je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que tous vos officiers et soldats.


Plus tard nous verrons qu’on a été forcé de fusiller Étienne. En attendant, T. Louverture envoie copie de sa lettre à Laveaux, et celui-ci en est on ne peut plus ravi. T. Louverture est entré complètement dans ses vues. Il est clair que le régime du Cap, à ses yeux, est contraire à la liberté des noirs, et ce régime est personnifié en Villatte, et celui-ci est considéré par Laveaux comme étant son ennemi et l’ennemi des blancs. C’est le mulâtre qui ne veut ni des noirs ni des blancs, d’après Laveaux.