Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 3.djvu/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devoir comme militaire. À ce sujet, nous le verrons bientôt charger Villatte d’une opération importante, et celui-ci s’en acquitter loyalement et vaillamment.

On était arrivé en janvier 1796, et la Vénus ne pouvait encore prendre la mer. Suivant Laveaux, un officier de marine nommé Martinet donna un déjeûner où il se trouva avec Villatte, Pinchinat, Rodrigue et plusieurs autres officiers. C’était le 5 janvier. Là, dans une conversation générale sur le gouvernement des États-Unis, Rodrigue, blanc et colonel du 1er régiment du Cap, soutint par comparaison, que Saint-Domingue pouvait se passer de la France, tandis que celle-ci avait essentiellement besoin de sa colonie : Rodrigue se plaignit du gouvernement français qui, cependant, venait de lui envoyer le brevet de colonel. Laveaux se retira, pour ne pas être témoin d’une telle conversation. Toutefois, il avait entendu un jeune enseigne du nom de Lonaty contester l’opinion de Rodrigue, et il demanda à Lonaty une déclaration écrite et signée, pour constater cette opinion de Rodrigue.

Était-ce agir selon son devoir de gouverneur général, que de se retirer purement et simplement, sans prendre part à la conversation ? De deux choses l’une : ou l’opinion émise par Rodrigue était une appréciation erronée des rapports existans entre la France et Saint-Domingue, ou elle était le résultat d’idées conçues pour rendre la colonie indépendante de la métropole, d’un projet existant à cet égard. Dans le premier cas, Laveaux devait la combattre par des argumens ; dans le second, il aurait dû interposer son autorité de gouverneur général, et agir immédiatement contre Rodrigue et ses adhérens. Mais il se retire, il se borne à requérir Lonaty de lui donner par écrit une pièce dont il puisse faire usage contre Rodrigue.