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C’est au Port-au-Prince que règne cet amas d’hommes perdus de dettes et de crimes, dont les propriétés obérées ne peuvent devenir libres que par la banqueroute et l’indépendance ; qui qualifient d’étrangers les Français nés en Europe ; qui, dans leur correspondance publique, traitent l’esprit dont la convention nationale est animée, d’esprit dominant et effrayant ; qui prêchent continuellement le mépris de la métropole et de ses mandataires.

Accoutumés sous l’ancien régime à ramper dans les antichambres de Paris et de Versailles, fiers des privilèges qu’ils partageaient avec la ci-devant noblesse, toute leur ambition s’est portée à conserver les abus du régime colonial ; ils ont insulté aux principes qui dirigeaient la métropole ; ils ont fait de la révolution une spéculation de fortune ; ils n’y ont vu qu’un moyen de plus d’éterniser leurs préjugés. Ce sont ces mêmes hommes qui, forts de l’entourage perpétuel d’une horde de scélérats stipendiés à Saint-Domingue par les princes d’Italie[1], pour y perpétuer l’anarchie et punir ainsi la nation de ses succès en Europe ; ce sont eux, dis-je, qui ont profané la sainte institution des clubs en faisant de celui du Port-au-Prince une arène odieuse d’injures et de dénonciations, où l’on provoquait sans cesse la résistance à la loi et à l’avilissement des pouvoirs institués.

Ce sont eux qui, au nom de ce club, ont poursuivi l’estimable auteur du journal de l’Égalité, du seul ouvrage patriotique capable de purifier l’esprit public de là colonie ; ce sont eux qui, dans la municipalité, l’ont fait dénoncer aux tribunaux et décréter ensuite de prise de corps, contre toutes les lois qui garantissent aux Français la liberté de penser et d’écrire.

Ce sont eux qui, par des enrôlemens d’esclaves, ne cessent de provoquer la ruine du système colonial, tandis qu’ils accusent la France et ses délégués de vouloir attenter à sa conservation.

Ce sont eux qui, dans leur incroyable délire, ont osé arrêter l’un des envoyés de la commission nationale, qui l’ont retenu prisonnier sur un bâtiment de l’État où il a fallu toute la fermeté de l’équipage pour le sauver de la fureur d’une troupe d’hommes égarés par leurs coupables suggestions. Auteurs de tous les maux qui ont désolé Saint-Domingue, la sévérité de la commission nationale les poursuivra partout.

  1. Les compagnons de Praloto, les matelots et gens sans aveu venus de l’étranger. Nous prions le lecteur de noter ce passage, pour ce que nous aurons à dire plus tard : qu’il prenne note également du paragraphe relatif aux soldats d’Artois.