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trouve la chose publique, à la veille d’une guerre étrangère[1] Il est du devoir du délégué de la nation de prévenir et d’étouffer les mouvemens irréguliers de l’intérieur, en instruisant les vrais patriotes des intrigues dont on veut les rendre victimes, en en punissant les auteurs. Je vais dire toutes les vérités, démasquer tous les traîtres ; je les livrerai ensuite à la juste vengeance de la convention nationale.

La constitution de la France en République offrait de nouvelles chances aux machinations perverses des factieux de Saint-Domingue ; les royalistes et les indépendans ont cru le moment favorable pour se rapprocher ; les chefs des deux partis ont uni leurs forces en se coalisant, et le prix d’une association aussi monstrueuse a été le sang des hommes du 4 avril et l’incendie de leurs possessions.

À peine s’étaient-ils donné le baiser de paix que l’insurrection a éclaté dans les paroisses voisines du Port-au-Prince ; les habitations des citoyens de couleur, leurs communes victimes, ont été pillées et incendiées ; plusieurs d’entre eux ont été massacrés en défendant leurs foyers. À Jérémie, ces scènes d’horreur se sont répétées d’une manière plus tragique encore : on a armé contre eux des mains esclaves ; on a payé leurs bourreaux ; on les a chassés de leurs biens ; on les a forcés de fuir en emmenant avec eux leurs femmes et leurs enfans.

Rarement les agitateurs sont les maîtres d’arrêter à propos les insurrections qu’ils ont fait naître, et c’est ce qui est arrivé à la Croix-des-Bouquets ; les esclaves révoltés des Crochus et du Fond-Parisien ne se sont pas bornés à remplir leur exécrable mission ; ils ont pillé et dévasté la riche plaine du Cul-de-Sac, et rien ne peut les contenir qu’une confédération inviolable entre tous les citoyens pour expulser ceux qui les instruisent et les excitent.

C’est surtout dans la ville du Port-au-Prince qu’est le siège de la puissance de ces audacieux criminels ; c’est là que domine avec fureur cette insolente faction tant de fois proscrite par les représentans du peuple français, couverte encore du sang que ses prétentions insensées ont fait répandre ; rivale et à jamais ennemie de l’ancien gouvernement, calomniant sans cesse la révolution française et ses plus zélés défenseurs, toujours d’accord avec les ministres qui ont fait le malheur de la France, et constamment soutenue et protégée par tout ce qu’il y avait dans l’assemblée constituante d’amis ardens du clergé, de la noblesse et de la monarchie.

  1. La guerre a été déclarée par la France à la Grande-Bretagne, le 1er février 1793 : la nouvelle en parvint au Cap le 18 mars, à Saint-Marc, le 21.