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colonel du bataillon de l’Aube, au grade de général commandant la province du Sud par intérim. Le bataillon s’élevait à quatre cents hommes environ. Polvérel ordonna à Harty de marcher avec ces troupes contre les Platons, et il l’accompagna lui-même dans cette expédition qui obtint un plein succès. Les nègres insurgés en furent délogés, et se réfugièrent dans les mornes voisins ou dans la plaine des Cayes. Leurs femmes, leurs enfans et leurs vieillards furent massacrés avec la plus grande cruauté par les soldats, et de nombreux combattans perdirent la vie. Ni les colons ni les hommes de couleur ne voulurent concourir au succès de cette expédition : ce fut heureux pour les insurgés.

Au moment où Polvérel concertait avec Harty les moyens de pourchasser les nègres réfugiés dans la plaine, il apprit qu’une insurrection de ceux de la plaine du Cul-de-Sac venait d’éclater, en même temps que des mouvemens populaires au Port-au-Prince. Il prit immédiatement la résolution de retourner dans l’Ouest, en emmenant avec lui le bataillon de l’Aube. C’était dans les derniers jours de février.

Mais les blancs des Cayes et de Torbeck s’agitèrent violemment pour s’opposer au départ de cette troupe. Ils se formèrent en assemblée de commune permanente. Delaval, maire des Cayes, était un ex-député à l’assemblée coloniale dissoute au Cap : il contribua à porter tous les colons, sans distinction d’opinions, à se réunir dans un commun accord contre Polvérel, à propos de la déportation qu’il ordonna dans ces momens, contre le greffier de la sénéchaussée qui persistait à intituler les jugemens : au nom du roi, lorsqu’il fallait écrire au nom de la nation. Les colons ne prétendaient qu’à arrêter Pol-