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n’avait pas à signaler des fails réellement monstrueux de leur part.


Les sentimens des blancs dans le Sud n’étaient pas plus favorables à la loi du 4 avril, et aux hommes de couleur qu’elle appelait à l’égalité des droits politiques. Jérémie surtout se distinguait dans cette haine commune à tous les colons. Cette paroisse, à la suite de rixes survenues entre des blancs et des hommes de couleur, depuis le passage de Blanchelande dans ce quartier, avait remis en prison les femmes et les enfans de ces derniers, et l’un d’eux, un nègre libre nommé Thomany, qui blessa un blanc au bras : il était le frère de celui que nous verrons paraître sur la scène politique avec honneur dans la suite de notre histoire.

À l’occasion de ces détentions, la guerre s’était rallumée entre les deux classes. Les hommes de couleur réclamèrent en vain la mise en liberté de Thomany. Les blancs séquestrèrent leurs biens comme mesure de sûreté générale. Les hommes de couleur, poursuivis par leurs ennemis qui armèrent de nouveau leurs esclaves contre eux, furent contraints à passer par les montagnes pour se retirer dans d’autres paroisses ; mais ils ne cédèrent pas le terrain, sans avoir guerroyé et tué ou blessé plusieurs des forcenés qui les poursuivaient. Ils firent des prisonniers qu’ils gardèrent, par forme de représailles pour la détention de Thomany.

Informé de cet état de choses, Polvérel écrivit infructueusement aux colons : il leur envoya des commissaires conciliateurs qui se rendirent à Jérémie inutilement. Quoique dissous par la commission civile, le conseil d’administration de la Grande-Anse ne continua pas moins