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sonnelle, il l’a perdu en considération. On pourrait dire qu’il n’a fait du tort qu’à lui-même, si l’on peut jamais excuser un homme qui faillit ainsi devant les dangers d’une position qu’il a acceptée.

Plus d’un mois après son départ du Port-au-Prince, Polvérel fut assuré qu’il ne s’était pas rendu dans le Sud. Cette fuite honteuse obligea Polvérel à aller lui-même dans cette province pour y faire exécuter la loi du 4 avril, lorsque sa présence était nécessaire au chef-lieu de l’Ouest.

En conséquence, il se dirigea sur Jacmel où les hommes de couleur n’avaient pu se présenter depuis quelque temps, par l’opposition mise par les blancs de cette ville, à ce qu’ils s’y tinssent armés : circonstance qui les contraignait à errer dans les campagnes. Arrivé aux portes de cette ville, accompagné de quelques-uns, les blancs voulurent l’y admettre seul. Il essaya vainement toutes les formes conciliantes qui étaient dans son goût et son caractère, pour les porter à renoncer à leur désobéissance : tout fut inutile, et il dut renoncer à y pénétrer lui-même. Dirigés par les préjugés et les préventions des colons du côté Ouest de l’assemblée coloniale, les blancs de Jacmel poussaient leur haine contre les mulâtres jusqu’au ridicule et à l’absurde. Quand ils avaient à écrire les mots — hommes de couleur, ils mettaient simplement hommes de… pour ne pas écrire le mot de couleur qui leur était odieux. Garran fait savoir que c’était ainsi dans d’autres lieux de la colonie, avant la loi du 4 avril[1]. Cette particularité suffrait seule à faire apprécier l’esprit qui animait ces misérables, si l’histoire

  1. Note mise à la page 267 du tome 3 du Rapport.