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des dangers, par l’interprétation qu’elle donnera occasion aux partis d’en tirer contre eux.

Deux grands partis divisent les oppresseurs communs de la race noire :

1º Les agens de la royauté qui ont le gouvernement de droit, mais qui, dans le fait, luttent en vain depuis trois ans contre leurs adversaires. Contre-révolutionnaires par leur position, par leurs sentimens, par leurs idées, en ce moment ces agens fondaient toutes leurs espérances sur les projets de contre-révolution qui s’élaboraient dans la métropole, sur le concours même des forces venues dans la colonie avec les commissaires civils.

2º Le parti colonial qui a profité de la révolution de la métropole pour secouer le joug du despotisme du gouvernement local, et qui, dans l’enivrement de ses succès continus jusqu’alors, aspirait à détacher Saint-Domingue de la France pour y dominer plus sûrement, soit par ses propres forces, soit en appelant à son aide le concours de l’étranger.

En vain les deux classes des opprimés se sont-elles armées pour revendiquer, — l’une, ses droits politiques légalement reconnus depuis un siècle, légalement confirmés depuis peu de temps ; — l’autre, un simple adoucissement à son sort pitoyable, pour la préparer à la jouissance des mêmes droits, aussi légitimes, aussi sacrés pour elle. Le parti colonial surtout, toujours inexorable, toujours injuste, se refuse à tout ; et si les contre-révolutionnaires semblent leur être plus favorables, ce n’est qu’avec l’arrière-pensée de s’en servir comme instrumens à la réalisation de leurs vues ; dans ces vues, les opprimés devront toujours conserver leur ancien état d’abjection.