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Toutefois, nous devons féliciter et nous félicitons ce noir, célèbre à tant de titres, de s’être rangé sous le drapeau français ; car à ce nouveau poste seul il aura pu développer son génie. Nous l’en félicitons, pour avoir pris une position où il démontrera l’aptitude des hommes de sa race, à concevoir et à exécuter tout ce que peuvent concevoir et exécuter des hommes de la race blanche, où il contribuera à détruire les absurdes préjugés conçus par ces derniers sous ce rapport.

Mais, ce que nous disons ici ne détruit pas notre opinion, nos appréciations sur les causes secrètes, sur les motifs particuliers qui l’ont porté à abandonner les Espagnols. Selon nous, et d’après les documens que nous avons cités, ce n’est point par amour pour la liberté qu’il a changé de drapeau. Pour son propre salut, il a fait preuve de bon jugement en quittant le service du roi d’Espagne, dans les circonstances où il se trouvait. Certainement, le salut de la cause de ses frères a gagné pendant quelque temps, à ce qu’il passât au service de la France. Mais, puissions-nous ne pas trouver dans la suite de sa carrière qu’il a réagi contre eux ! Car, si jamais nous le rencontrions un jour dans cette voie fatale, nous n’hésiterions pas à lancer l’anathème contre sa mémoire.

En écrivant sa lettre du 18 mai à Laveaux, Toussaint Louverture avait pris le titre de général de brigade qu’il

    put se croire à l’abri d’une telle fin. Moïse, jugé et acquitté par un conseil de guerre, fut de nouveau jugé et condamné à mort par un autre conseil présidé par son oncle même. Les chefs qui ne respectent pas les arrêts de la justice, ignorent que leur vraie gloire consiste à observer les lois ; et qu’en les foulant aux pieds, ils s’exposent à la haine de leurs contemporains, à l’infidélité de leurs subordonnés, et qu’ils encourent toujours les reproches sévères de la postérité.