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parle à un général français qui n’ignore pas que beaucoup de ces émigrés ont été sacrifiés avec des Espagnols, et alors il semble s’apitoyer sur le sort de quelques malheureux blancs qui ont été victimes dans cette affaire ; il en a le cœur navré, parce qu’il n’est pas comme bien d’autres qui voient les scènes d’horreur avec sang-froid ; il a toujours eu l’humanité pour partage, et il gémit quand il ne peut empêcher le mal. Tout à coup, et comme pour consoler Laveaux de la mort de ces blancs, il lui parle de quelques petits soulèvemens qui ont eu lieu parmi les ateliers de noirs ; mais il y a mis le bon ordre. Ce bon ordre, ce sont des exécutions à mort ! Pour appuyer encore sa prétention à être traité autrement que comme transfuge, il énumère avec emphase les noms des diverses communes qu’il a ralliées au pavillon français, et il parle de sa troupe de quatre mille hommes.

Il fait plus : il donne à Laveaux la situation générale des forces ennemies, il examine qu’on n’a rien à en redouter, parce qu’il espère les neutraliser ; il a déjà refoulé au Fort-Dauphin, Jean-François et sa troupe ; il indique au gouverneur ce qu’il faut faire, même pour aviser les commissaires civils de son retour, ou plutôt de sa soumission à la République française. Ce dernier point le préoccupe, parce que son amour-propre, sa vanité se complaisent dans cette information officielle, Toussaint Louverture sachant ce qu’il vaut et mesurant déjà de l’œil la carrière qu’il va parcourir. Peut-être aussi voulait-il être assure du rang qui lui serait assigné par les commissaires. Enfin, quand il aura réduit le camp Bertin et le Borgne, ajouté de nouveaux lauriers à ceux qu’il a cueillis, c’est alors qu’il ira voir Laveaux, pour se concerter plus amplement avec lui sur les opérations ultérieures.