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publia sa proclamation du 4 décembre que nous insérons ici.


AU NOM DE LA NATION.

Nous, Léger-Félicité Sonthonax, commissaire national civil, délégué aux îles françaises d’Amérique sous le vent, pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique,

Aux hommes libres de la partie française de Saint-Domingue, aux soldats et matelots employés dans l’expédition.

Citoyens,

La ville du Cap, la colonie entière, sont dans le plus grand danger ; des haines invétérées, et que le besoin d’une union réciproque semblait devoir effacer, se sont emparées de toutes les âmes ; on est prêt à en venir aux mains ; et, si vous n’y prenez garde, le précipice est creusé où va s’engloutir Saint-Domingue.

Au milieu de tant de malheurs, citoyens, les pouvoirs sont sans force, et l’autorité nationale est méconnue : les calomnies les plus absurdes sont accumulées sur la tête du commissaire civil. Auriez-vous oublié la déclaration solennelle de nos principes, celle que nous avons faite en présence de l’Être Suprême, à la face du peuple assemblé pour notre installation ? Je la renouvelle ici dans une circonstance périlleuse ; je la renouvelle pour fermer la bouche aux agitateurs et pour rassurer à jamais les bons citoyens.

Invariablement attaché aux lois que nous venons faire exécuter, nous déclarons, au nom de la métropole et de l’assemblée nationale, que nous ne reconnaîtrons désormais que deux classes d’hommes dans la colonie de Saint-Domingue : les libres, sans aucune distinction de couleur, et les esclaves. Nous déclarons qu’aux assemblées coloniales seules, constitutionnellement formées, appartient le droit de prononcer sur le sort des esclaves.

Nous déclarons que l’esclavage est nécessaire à la culture et à la prospérité des colonies, et qu’il n’est ni dans les principes ni dans la volonté de l’assemblée nationale de toucher à cet égard aux prérogatives des colons.

Nous déclarons que nous ne reconnaîtrons pour les amis de la France que ceux qui le seront de la constitution, sauf les modifications que commandent l’esclavage et les localités. Tels sont mes principes, telle est ma profession de foi ; que le jour où j’en changerai soit le dernier de ma vie !