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quand Sonthonax passa dans l’Ouest, en octobre 1793, et que Laveaux, devenu gouverneur général, fut contraint de se tenir au Port-de-Paix pour s’opposer aux Anglais, maîtres du Môle. Ces causes de désordre étaient dues, on le voit, aux intrigues du peu de blancs qui habitaient le Cap ; beaucoup d’entre eux étaient membres d’une nouvelle municipalité formée par Sonthonax, peu avant son départ. Mais, si on lit les lettres de Laveaux à ce commissaire, et son compte-rendu, on verra que ce gouverneur attribuait tout aux seuls hommes de couleur. Il avait reçu l’ordre de marcher contre le Môle, et n’ayant, comme nous venons de le dire, qu’environ deux milliers de poudre, il en demanda une semblable quantité, dit-il, que le Cap avait tirée du Fort-Dauphin, à Villatte et à Péré qui lui refusèrent ces munitions ; de là ses plaintes, ses accusations contre ces deux mulâtres. Mais, si le Cap les avait tirées du Fort-Dauphin, c’est que sans doute le Cap en avait besoin pour sa défense : pourquoi alors accuser Villatte et Péré de mauvais vouloir envers lui ? Pourquoi tirer de ce fait l’induction qu’ils voulurent s’isoler et se tenir indépendans de son autorité ?

Si Laveaux et ses braves troupes supportèrent les privations avec résignation, avec courage ; s’ils défendirent vaillamment le Port-de-Paix contre les Anglais, Villatte et ses soldats n’en firent-ils pas autant ? Écoutons ce qu’en dit Garran :

« Il faut rendre justice aux habitans du Cap, que, malgré leur insubordination (d’après le dire de Laveaux), leurs divisions entre eux et l’ambition des chefs, aucun n’oublia qu’il était Français dans cette circonstance. Jean François avait d’abord profité (en novembre 1793) de leurs dissensions pour avoir sur eux quelques