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gueil de Desfourneaux, en exigeant qu’il fûl embarqué ? Est-ce que les blancs n’ont point d’orgueil ? Suffit-il d’avoir une peau jaune pour en être saturé ? Si la caste des mulâtres a ce vice, elle ne peut l’avoir reçu que de la race des blancs[1].

Misérables préjugés, nés de toutes les injustices des Européens contre la race noire, à quelles aberrations n’exposez-vous pas les esprits les plus judicieux !…


Nous défendrons encore la mémoire de Pinchinat, et c’est maintenant contre un autre mulâtre, contre l’astuce du perfide Savary, qui en écrivant sa lettre du 24 novembre 1793 à Bauvais, pour l’engager à se joindre à la coalition de Saint-Marc, jeta dans l’esprit prévenu de Sonthonax des doutes sur les sentimens de ce révolutionnaire, au point « de le persuader que Pinchinat avait été l’un des auteurs de cette coalition et qu’il avait trempé dans le complot de son assassinat[2] »

Mécontent de Pinchinat qui, dans l’un des écrits dont nous avons parlé, adressé aux hommes de couleur de Saint-Marc, condamnait leur infâme trahison, Savary dit

  1. « Les descendans des premiers habitans de l’île joignaient à beaucoup de richesses, l’orgueil de l’ancienneté de leur origine. » (Rap. de Garran, t. 1er p. 20.) El cette origine remontait aux flibustiers, aux boucaniers, gens de la plus basse extraction, auxquels on envoya bien des filles de joie pour épouses, suivant Sir J. Barskett.

    « Vous avez sans doute vu, et vous avez bien remarqué que les factieux de Saint-Domingue et les meneurs des assemblées coloniales et des corps populaires, ont toujours été les agresseurs dans cette guerre (celle entre les blancs et les mulâtres), qu’ils ont été les violateurs audacieux des traités les plus sacrés, enfin qu’ils ont été victimes de leur propre orgueil et de leur propre injustice. » (Paroles de Sonthonax aux Débats, t. 5, p. 30.)

    Ainsi il en a été de Desfourneaux, par la faiblesse et l’injustice de Sonthonax lui-même. Quand nous arriverons aux événemens de 1797, nous examinerons si Sonthonax ne punit pas l’orgueil de Desfourneaux, en le faisant arrêter et détenir dans un fort.

  2. Rap. de Garran, t. 4, p. 229.