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le germe des préventions injustes qu’éprouva ce gouverneur général contre toute la classe des hommes de couleur. Nous arriverons un jour à l’examen de son compterendu, et alors nous ferons ressortir l’influence qu’a exercée sur son esprit et ses sentimens, cette affaire du 17 mars ainsi racontée.

Cette affaire déplorable produisit d’autres événemens encore plus désastreux. Elle coûta des larmes de sang à Saint-Domingue ; car, de ce jour, Sonthonax, humilié d’avoir été contraint de céder aux exigences de Montbrun, en éloignant Desfourneaux ; irrité plus que jamais contre les hommes de couleur qu’il considéra dès lors comme des ingrats, en raison de sa conduite envers eux jusqu’à la perfidie de Savary, de Lapointe et des autres traîtres ; Sonthonax passa des préventions, de la défiance, à la rancune. Son ressentiment trouva l’occasion de se manifester à une autre époque, et alors il ne négligea rien pour détruire la juste influence qu’ils exerçaient. Il leur suscita des compétiteurs qu’il excita contre eux, en oubliant que cette affaire du 17 mars fut occasionnée par son imprudence à faire armer des hommes pervers, qui avaient été des ennemis ardents pour les mulâtres et nègres libres, avant son arrivée dans la colonie. Il n’ignorait pas cependant l’histoire de ces luttes passées[1] ! Et en annulant l’autorité de Montbrun, en confiant à l’envieux Desfourneaux le recrutement du 48e fut-il plus excusable ?… Toutefois, en attendant l’époque de ses vengeances, il est allé peu après en France où il défendit chaleureuse-

  1. Voyez ce qu’il raconte lui-même de l’affaire du 21 novembre 1791, aux Débats, t, 3, p. 117. Il n’omet rien pour faire savoir que les hommes de couleur ont été attaqués par toute la garde nationale blanche, par les deux bataillons réunis, d’Artois et de Normandie.