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geant dans les mêmes casernes, devaient incessamment être en querelle ; et que, pour en finir, Montbrun aura ordonné à la légion de commencer l’attaque, s’il n’est pas plus probable que les trois coups de fusil dont parle Malenfant sont partis des rangs des anciens flibustiers de Praloto, réunis aux vieux soldats d’Artois.

Nous n’admettons pas que ce combat nocturne ait eu lieu pendant que ces derniers étaient profondément endormis. C’est évidemment une fausseté des deux narrations, qui se contredisent sur d’autres circonstances accessoires ; car, la première avoue que tous n’étaient pas couchés, qu’il y en avait de levés : celle-ci prétend que la garde placée à la porte du gouvernement était déjà tuée et qu’un feu roulant dirigé dans l’appartement occupé par Sonthonax l’exposait à perdre la vie, tandis que l’autre dit que le palais fut seulement cerné.

Ce qu’il y a de vrai et de certain, c’est que les mulâtres et les nègres de la légion chassèrent les blancs de la caserne ; que ceux-ci se sauvèrent et se portèrent au palais respecté par les autres, parce que le commissaire civil s’y trouvait, el qu’eux et Montbrun n’en voulaient pas à la vie du représentant de la France, pas plus qu’à son embarquement. Ils voulaient l’embarquement du régiment d’Artois et de ses nouveaux auxiliaires, et celui de Desfourneaux, comme deux ans après, aux Cayes, ce général se verra contraint de s’embarquer lui-même[1]. Montbrun en voulait si peu à Sonthonax personnellement, que, vainqueur de Desfourneaux et de sa troupe, il les laissa descendre du palais pour se porter au fort

  1. En 1797, Sonthonax lui-même ne sera-t-il pas porté à anéler et à détenir ce même Desfourneaux, à cause de ses vues sur Toussaint Louverture, ou des exigences de celui-ci ? Nous raconterons ce fait singulier.