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Les deux officiers qui avaient précédé Marc Borno n’avaient encore rien ordonné ; mais celui-ci, aussitôt son arrivée, donne l’ordre à un sergent noir de la légion, nommé Phelippeaux, de pénétrer dans les appartemens avec quelques autres soldats, et de tuer Halaou. En entrant, le sergent trouve Bauvais assis à côté de lui ; il ne peut faire feu sans exposer les jours de son chef. Mais celui-ci, toujours rigide sur la discipline, s’étonnant de’l’entrée de ces militaires, leur demande ce qu’ils veulent, avec ce ton du commandement que lui seul savait prendre à l’égard de ses inférieurs. Phelippeaux lui répond : « Commandant, passez dans votre chambre ! » Le ton du sergent est impérieux, par la conviction où il est, que les jours de son chef sont en danger. Bauvais, qui n’en sait pas souffrir de semblable, demande ses pistolets et se lève pour mieux agir contre les soldats indisciplinés. Ce mouvement facilite l’action de Phelippeaux et des autres ; Halaou et deux de ses officiers, toujours assis et ne se doutant pas de leur but, tombent morts. Bauvais reste étonné de ce résultat ; il en demande l’explication. Phelippeaux, et en même temps Marc Borno et les deux autres officiers pénétrant dans les appartemens, lui disent le motif de ce meurtre.

Quelle que fût l’opinion de Bauvais sur l’intention attribuée à Sonthonax, il demeura affligé de douleur par ce meurtre, cet assassinat commis chez lui, à sa table. Pour lui, en ce moment, Halaou était un hôte placé sous la sauvegarde de son honneur, et il avait raison. Si on l’avait averti de la résolution prise contre cet homme, il n’eût jamais consenti à son exécution : tous ceux qui l’entouraient le savaient bien, et Marc Borno surtout.

Toutefois, le mal était fait, le crime était commis !