Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il ne négligeait pas, comme on voit, les intérêts matériels de son pays : la capture d’une cinquantaine de navires chargés de denrées souriait aux Léopards. Mais il était gauche, il faut le dire, en faisant de simples promesses de recommandation, pour ce qui concernait les droits à accorder aux hommes de couleur, à la conclusion de la paix. Ceux de cette classe qui étaient au Port-au-Prince étaient déjà assez fixés sur ce qui était de leur devoir en cette circonstance : la jouissance de la liberté politique et de l’égalité parfaite avec les blancs ne pouvait pas être mise en balance avec des promesses éventuelles. Nous entendons parler des sommités parmi les hommes de couleur, Pinchinat, Montbrun, Bauvais, Chanlatte, qui exerçaient de l’influence sur les autres. Egalement fixés sur la justice de la liberté générale en faveur des noirs, ils étaient inaccessibles à cette séduction.

Lorsque le capitaine Rowley se rendait au palais du gouvernement où était Sonthonax, le peuple agité cria : Vive la République ! Mort aux traîtres ! À bas les Anglais ! Arrivé auprès du commissaire, Rowley demanda à lui parler en particulier ; mais Sonthonax lui répondit : « Des Anglais ne peuvent avoir rien de secret à me dire : parlez en public, ou retirez-vous. — Je viens vous sommer de la part du roi de la Grande-Bretagne, de lui rendre cette ville qu’il prend sous sa protection. — Comme il veut y prendre, sans doute, les cinquante-deux bâtimens qui sont dans le port. — Nous sommes en guerre avec la France, ils sont de bonne prise. — Halte-là, Monsieur ; si nous étions jamais forcés d’abandonner la place, vous n’auriez de ces bâtimens que la fumée, car les cendres en appartiendraient à la mer. »