Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Apprécions donc, eu Polvérel, cet éclair de génie qui fait honneur à l’esprit humain. Digne fils de la France qui prit l’initiative dans la liberté des noirs, il a peut-être prévu ce que son noble pays accomplira un jour dans ces climats lointains. La France n’a-t-elle pas reçu de la Providence, la mission d’éclairer les nations par la liberté ? S’il n’en était pas ainsi, pourquoi ces émotions du monde, lorsqu’on apprend qu’une révolution s’est opérée dans son sein ? Dans toutes ses guerres entreprises, depuis 1789, n’a-t-elle pas propagé ses principes et ses idées chez tous les peuples ?

Remarquons encore un nouveau motif d’estime pour Polvérel, par la lettre que nous allons reproduire.

Sonthonax qui, jusqu’alors, s’était habitué à voir tout plier devant sa volonté dictatoriale ; qui voyait beaucoup d’hommes de couleur abandonner la cause de la liberté générale, et les noirs émancipés ne pas comprendre eux-mêmes l’avantage de la position qu’il leur avait faite dans le Nord ; qui apprenait que ceux dévoués au service de l’Espagne entraînaient les autres dans la défection : Sonthonax se laissa abattre par ces revers, il sembla reculer devant ces obstacles qu’il n’avait pas prévus ; et jugeant mal de la situation des choses, il n’eut plus d’espoir que dans les secours de la France. Depuis plusieurs mois, la commission civile n’avait reçu aucune dépêche du gouvernement de la métropole ; il crut qu’il fallait que lui ou Polvérel allât l’informer de l’état critique où se trouvait la colonie. C’était une erreur ; mais dans cette pensée, il écrivit à son collègue pour lui proposer que l’un d’eux partît pour la France. Polvérel lui répondit en ces termes :

« Dans l’état actuel de la colonie, le départ de l’un de