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condamné à mort et pendu en effigie, par arrêt du conseil supérieur du Port-au-Prince : de là sa haine profonde pour les colons et le régime colonial. Rentré dans la colonie française à la prise d’armes des hommes de couleur, son courage le désigna au commandement de ceux de l’Arcahaie. Après le traité de paix du 23 octobre 1791, qui vouait à l’exécration contemporaine et future toutes les procédures iniques foites par les blancs contre les hommes de couleur, il se porta au greffe du Port-au-Prince et se fît remettre les pièces de ces procédures qui y existaient pour l’Ouest et le Sud ; il les déchira et les brûla. Plus tard, il fut un auxiliaire utile et dévoué aux premiers commissaires civils et aux derniers, dans toutes les opérations qui avaient pour but d’assurer l’égalité civile et politique à sa classe ; mais il était sans entrailles pour les noirs esclaves : inconséquence criminelle que partageaient beaucoup d’autres hommes de couleur, mulâtres et nègres anciens libres. Né avec des passions ardentes, avide de plaisirs de toutes sortes, ambitieux du pouvoir, il lui fallait toujours de l’argent qu’il dépensait au jeu, si généralement pratiqué dans les mœurs coloniales. Sans aucun principe de moralité, les hommes n’étaient pour lui que des instrumens. On assure que Lapointe eut Fouehé (de Nantes) pour professeur au collège où il reçut son éducation[1]. En se livrant aux Anglais, qui avaient plutôt ses sympathies que les Espagnols (si toutefois Lapointe en éprouva jamais pour ses semblables), il reçut une somme de vingt milles livres sterling ou cent mille piastres, et devint brigadier général commandant l’Arcahaie,

  1. Malenfant prétend qu’il ne fut pas élevé en France, qu’il n’y fut qu’en 1785 et en revint en 1787, que son éducation fut peu soignée. Son discours et son habileté incontestée en deviennent plus remarquables ; et nous avons lieu de croire que Malenfant se trompe à son sujet.