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justement alarmés des progrès que fait tous les jours, dans la colonie, le système dévastateur apporté par deux hommes avides et sanguinaires ; non moins justement indignés des mesures atroces qu’ont employées ces despotes, pour consommer leur projet de destruction, ont enfin ouvert les yeux : ils ont vu l’abîme qui se creusait sous leurs pas, et qui ne tarderait point à les engloutir tous, sans distinction, s’ils ne se hâtaient d’opposer une digue à ce torrent. Pour parvenir plus sûrement à ce but désirable, ils se sont réunis fraternellement, pour aviser, tous ensemble, aux justes mesures que la circonstance nécessite, et les mettre à exécution avec des moyens capables d’en imposer à ceux qui seraient assez insensés, ou assez féroces pour contrarier des hommes qui ne s’occupent que de leur conservation et de celle de leurs semblables.

En conséquence, les citoyens susdits et soussignés, après mûre délibération :

Considérant que l’un des droits de l’homme, peut-être le plus saint et le plus précieux, est la Résistance à l’oppression ; que les actes des commissaires civils Polvérel et Sonthonax, envoyés dans cette malheureuse contrée pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique, ont toujours eu un but, une tendance et un effet directement opposé à leur mission, puisqu’après la destruction de toutes les autorités conservatrices, leur soin principal a été de ranimer entre les hommes libres des haines et des divisions déjà éteintes, et d’établir, au moyen de cette politique des tyrans, une domination caractérisée par la rapacité de ceux qui l’exerçaient, la ruine et l’humiliation de ceux sur lesquels elle pesait ;

Considérant que c’est au succès de cette odieuse politique, qu’est due la ruine de la province du Nord, dans laquelle il n’existe plus un homme libre ; et que le sort de cette malheureuse province est celui réservé et projeté pour les deux autres, ainsi que le prouvent du reste la proclamation du commissaire Sonthonax, du 29 août, celles de Polvérel, des 4 et 10 septembre et 1er  octobre, dans l’une desquelles, celle du 1er  octobre, il érige le vol, le pillage et l’assassinat en maxime et presque en devoir ; et l’atroce comédie qu’il a donnée au Port-au-Prince, le 21 septembre dernier, et qu’il a fait renouveler dans les paroisses de Saint-Marc, des Véreltes et de la Petite-Rivière ;

Considérant que l’affranchissement général des esclaves n’a jamais été le vœu de la France ; que le pouvoir de le prononcer n’a jamais fait partie de ceux accordés aux commissaires envoyés dans les colonies ; que cette vérité est démontrée jusqu’à l’évidence, par le soin