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la protection des délégués de la république pour arrêter les anthropophages que l’envie tourmente, nous serons tous réduits au plus cruel désespoir… Des hommes sages que j’ai envoyés sur diverses habitations voisines ont fait rentrer les Africains dans l’ordre avec la douceur. Ceux qui étaient en ville en sont sortis, et j’espère que, d’ici à l’autre dimanche, avec les forces que vous m’avez promises, nous sauverons non-seulement le quartier de Saint-Marc, mais encore des Vérettes et de la Petite-Rivière. »

Selon Savary, voilà les Africains apaisés par la douceur d’hommes sages. Mais le 12 novembre, il écrit une nouvelle lettre à Sonthonax où il lui dit :

« Le plus horrible des complots s’exécute contre nous. Les Africains, à qui nous n’avons fait que du bien, ont été trompés et soulevés pour nous égorger. Déjà quelques-uns de nos frères du 4 avril ont été victimes. Ils sont obligés de se retirer en ville pour y trouver leur salut ; venez, citoyen commissaire, promptement à notre secours, sans quoi nous sommes perdus. Depuis cinq jours, personne ne dort ; des personnes de confiance que j’ai envoyées à l’Artibonite m’assurent que si nous prenons de promptes mesures, nous pouvons encore empêcher la dévastation de notre plaine. C’est le parti que je vais prendre, en appelant les paroisses voisines. Jusqu’ici il n’y a encore rien de brûlé ; mais plusieurs personnes ont été égorgées. »

Quelle affreuse duplicité ressort de ces deux lettres ! Quelle combinaison machiavélique ! Par ces lettres, Savary lui-même s’est donné la peine de comparaître au jugement sévère de la postérité, qui ne peut que flétrir sa mémoire. Selon nous, ce quelqu’un de la suite de Son-