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l’exaltation de tous les sentimens que produit la révolution. Polvérel s’est toujours plaint de ce que cette affaire n’avait pas été suffisamment éclaircie… On entrevoit dans une lettre fort longue, mais assez obscurément conçue, que le complot (si complot il y a eu) fut tramé par le parti des pompons blancs… Mais quelque déplorable qu’il soit d’être réduit à chercher de nouvelles perfidies au milieu de la trahison elle-même, on ne remplirait pas la pénible tâche qu’on s’est imposée, si l’on ne disait pas que la sincérité de Savary n’est pas entièrement exempte de soupçons dans cette circonstance, et qu’il n’est pas impossible qu’il ait recouru au stratagème d’un complot imaginaire pour effrayer Sonthonax, et rendre plus facile par sa retraite l’exécution de la trahison trop réelle qu’on méditait dès lors à Saint-Marc, pour se soustraire aux lois de la république[1].

Soupçonnant les sentimens de Savary, Sonthonax lui ordonna les arrêts chez lui ; mais là encore, Savary lui adressa une lettre anonyme qui semblait dénoncer le complot formé de l’assassiner lui-même avec ce commissaire, à qui il écrivit en même temps les plus grandes protestations d’attachement. Sonthonax qui se croyait réellement en danger, écrivit à Lapointe, maire et commandant militaire à l’Arcahaie, de venir à son secours ; il avait la plus grande confiance en ce dernier qui, toujours, avait paru très-dévoué aux commissaires civils. À son arrivée à Saint-Marc, Lapointe engagea Sonthonax

  1. Laveaux, dans son compte-rendu, en affirmant que le complot a existé, a osé accuser G. H. Vergniaud, son antagoniste, d’y être entré pour assassiner Sonthonax. On est peiné de voir qu’un si brave militaire n’ait jamais su se défendre de tout sentiment de haine. Nous aurons bien d’autres choses à dire de lui, sous ce rapport. Nous verrons sa conduite en 1795 et 1796.