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pouvait, comme Sonthonax, saisir la vérité de cette nouvelle situation, lorsqu’une infinité de cœurs, imprégnés du vil sentiment de l’intérêt personnel, inclinaient vers la conservation de ce qu’ils croyaient être un droit de propriété légitime, par l’abus séculaire de la loi illégitime de la force. Et qu’on le comprenne bien ! ce n’est pas une justification que nous préparons aux lâches défections qui vont suivre ; ce serait tout au plus une excuse, si toutefois on pouvait jamais excuser des forfaits aussi dégradans. C’est plutôt l’explication d’une situation, en raison des faits antérieurs et actuels.


Le 10 octobre, après sa proclamation, Sonthonax sortit du Cap. Il était accompagné du général Laveaux et de toutes les troupes européennes dont on pouvait dégarnir la défense de cette ville. Une flottille les porta au Port-de-Paix. Peu de temps après, des troupes franches, composées de nouveaux libres, sous les ordres du général Pierrot, s’y rendirent par la voie de terre.

Sonthonax laissa Laveaux au Port-de-Paix, le 16 octobre. Il le nomma gouverneur général par intérim, et lui donna l’ordre d’organiser ses forces pour marcher contre le Môle. Mais l’indiscipline, l’insubordination et la longue habitude du pillage contractée par les nouveaux libres qui, dans leur passage, commirent des désordres, ne permirent pas à Laveaux de rien entreprendre contre cette ville. N’ayant d’ailleurs que peu de munitions de guerre, il jugea, en militaire prudent, qu’il ne fallait pas s’exposer à un échec qui eût entraîné la perte de toute la province du Nord, dans le moment où la défection gagnait tous les cœurs. Reconnaissant que la position toute militaire du Port-de-Paix lui offrait des chances