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Whitelocke qui disait aux hommes de couleur qu’ils étaient avilis, parce que les commissaires civils leur faisaient partager la liberté et l’égalité avec leurs anciens esclaves, devait bien en vouloir à Polvérel, de placer esclave Jean Kina sur la même ligne que lui et le roi d’Angleterre. Polvérel n’avait-il pas quelque raison de parler ainsi, puisque les autorités anglaises employaient cet esclave à provoquer ses fières à rentrer sous le joug brisé de leurs oppresseurs ?

Et quelle singularité offrent ces temps de notre histoire nationale ? D’un côté, les Anglais donnant la main à un esclave pour attirer les nouveaux libres dans leur ancienne servitude ; de l’autre, les Espagnols cajolant d’autres esclaves qu’ils ont chamarrés de titres et de décorations, pour conquérir leurs malheureux frères à la même ignominie !

Que penser ensuite de ce Jean Kina, dans le Sud, de Jean François, de Biassou, de Toussaint Louverture, dans le Nord ? Y avait-il plus d’élévation d’âme, plus de généreux sentimens de leur part, que de la part des hommes de couleur qui eurent le tort de trahir la cause de la République française, en faveur de la Grande-Bretagne ou de l’Espagne ?

Nous n’insérerons pas ici toutes les dispositions contenues dans la proclamation de Polvérel, sur le travail réglementé des anciens esclaves ; beaucoup de ces dispositions sont semblables à celles consignées dans la proclamation de Sonthonax, du 29 août. Mais ce qui est remarquable, c’est l’introduction du principe d’élection de toutes les charges nécessaires dans une exploitation rurale, par les cultivateurs eux-mêmes formant des associations. Polvérel prévoyait sans doute qu’un des effets