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déjà Saint-Domingue comme une possession qui doit lui rester, elle limite à un seul port la faculté pour les navires des États-Unis d’importer leurs produits, qu’ils introduisaient, en 1789, dans trois des ports de la colonie : le Port-au-Prince, le Cap et les Cayes. Les colons subissaient dès lors le joug du protecteur. En ajoutant à cette disposition celle qui résultait de l’article 13º, et qui consacrait « le pouvoir réservé au parlement de la Grande-Bretagne de régler le gouvernemment politique de la colonie, » on reconnaît que les colons n’atteignaient pas cette indépendance à laquelle ils avaient sacrifié tous leurs intérêts. Ils se consolaient, dans l’espoir de maintenir l’esclavage des noirs et de refaire leurs fortunes ; mais ils ne prévoyaient pas tout ce que le génie de la liberté inspirerait d’audace et d’énergie aux enfans régénérés de l’Afrique.


Trois jours après la soumission de Jérémie, le 22 septembre, le vaisseau anglais l’Europa, que montait le Commodore Ford, se présenta dans le port du Môle Saint-Nicolas. Ce vaisseau ne portait que cent hommes de troupes. Le Gibraltar du Nouveau-Monde, qui avait coûté des millions pour le fortifier contre toute tentative des Anglais, qui comptait cent cinquante bouches à feu de gros calibre dans ses fortifications, deux cent milliers de poudre, un bataillon de troupes européennes, cinq cents hommes de garde nationale exercés à la guerre, tomba entre les mains de ces ennemis de la France, à la vue d’un seul vaisseau de cinquante canons !

Que diraient le comte d’Estaing et le comte d’Ennery, si ces valeureux Français vivaient encore ? Il est vrai qu’il n’y a pas de plus puissant auxiliaire pour un ennemi