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avaient plaidé la cause des noirs et des mulâtres au tribunal de l’opinion. Et qui sait si, dans ses desseins impénétrables, elle n’a pas voulu que la civilisation de l’Afrique pût naître un jour de la transplantation de ses enfans en Amérique ?

En nous rappelant qu’au moment où la liberté générale était proclamée à Saint-Domingue, Brissot et les Girondins, ces constans Amis des noirs, gémissaient dans les cachots de la Terreur, et qu’un mois après leurs têtes tombèrent sous le fer homicide de cette sanglante époque, nous nous demandons si les Haïtiens ne doivent pas d’éternels regrets à la mort de ces fiers révolutionnaires qui, par leurs écrits, par l’ascendant de leurs opinions, assurèrent le triomphe de nos droits ? N’est-ce pas à leur influence dans les conseils de Louis XVI, que Polvérel et Sonthonax furent nommés commissaires civils ? Si ces agens de la France n’ont pas reculé devant l’impérieuse nécessité de cette mesure humanitaire, Brissot et les Girondins partagent avec eux la gloire de l’avoir prise. Certes, il ne nous appartient pas d’examiner, de juger si ces derniers furent coupables envers leur pays, ou si les rivalités, les jalousies de leurs adversaires dans la convention nationale, ne furent pas la principale cause de leur fin tragique. Mais nous savons que les colons de Saint-Domingue saisirent l’occasion des déplorables dissensions survenues dans cette assemblée, pour les accuser d’avoir été les auteurs des troubles de cette ancienne colonie ; nous savons que ces êtres haineux les poursuivirent avec acharnement, pour leurs opinions favorables à la race noire, et cela suffirait seul pour exciter notre sensibilité et nos regrets.