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simplement, me paraissent devoir entraîner de grands désordres, surtout la première.

Cependant, celle de Sonthonax est un coup d’électricité dont il est impossible d’arrêter la commotion ; il n’y a plus moyen d’y revenir, il faut donc la modifier, et il est possible de la rendre telle, en combinant ses vues avec les vôtres, et celles que je vous communiquerai, qu’elle n’ait plus que le défaut d’être prématurée.

Mais il est indispensable que nous prononcions de concert, et que des décisions de cette importance soient le résultat de nos délibérations communes : c’est le seul moyen de leur donner le caractère qui leur convient, et de commander le respect et l’obéissance des colons ; c’est le seul moyen de couvrir ce qu’elles auront d’illégal ; c’est le seul moyen de donner à leurs effets un ensemble, une marche uniforme et régulière, qui puisse prévenir les troubles et les désordres.

Je songe à la responsabilité que cette hardiesse nous impose, et je ne trouve notre sauvegarde que dans le succès. Il faut donc user de la plus grande prudence. Je vous prie donc de suspendre, autant que vous le pourrez, l’effet de vos proclamations, jusqu’à ce que nous ayons délibéré tous trois sur cette matière, et que nous ayons pris un arrêté commun… Je partirai sous quatre ou cinq jours, et je serai sous huitaine auprès de vous… Je vais, en attendant, prendre quelques mesures de sûreté et surtout tranquilliser les citoyens sur leurs propriétés et sur leur vie, car ces bruits de liberté générale ont jeté l’alarme dans les esprits.


Quoique Polvérel adhérât au vœu de Delpech, en invitant Sonthonax à venir dans l’Ouest se réunir à eux ; désapprouvant néanmoins l’indécision qu’il manifestait par sa réponse du 12 septembre, et pressé de plus en plus par l’impatience des esclaves intéressés à la solution prompte de cette grande question, par les soulèvemens qui éclataient de toutes parts, par les incendies et les ravages qui les signalaient, il sentit qu’il ne pouvait plus retarder dans l’Ouest la déclaration de la liberté générale ; mais il voulut que les propriétaires, que les maîtres concourussent ou parussent concourir à ce grand acte de manumission, afin que les esclaves pussent croire que