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nous porter sur un sol étranger et de nous y consacrer à des tortures éternelles ? Vous nous ayez expatriés, eh bien ! que votre patrie devienne la nôtre ; mais nous voulons être reconnus libres et Français ! Nos maux vous sont connus, citoyen… faites-les donc cesser. Vous en avez le pouvoir, nous le savons. La convention nationale vous a laissé l’arbitre de notre sort, par le décret du 5 mars dernier… »

La population du Cap, hommes, femmes et enfans, précédée du bonnet de la liberté, porta cette pétition à Sonthonax, le 25 août. Les femmes se jetèrent à ses pieds.

Les citoyens du 4 avril, dit Dufay à la convention nationale, dans son compte-rendu, le 16 pluviôse an II, en reconnaissance des services que leur avaient rendus les noirs dans les journées des 20, 21 et 22 juin, où on voulait les assassiner, et où les noirs les avaient si courageusement secourus, eurent la générosité (il aurait dû dire qu’ils furent assez justes) de se joindre eux-mêmes aux noirs pour implorer le commissaire civil en faveur de leurs défenseurs, et furent les premiers à offrir le sacrifice de leurs esclaves, à qui ils donnèrent la liberté. Mes frères, mes collègues, ont donné des premiers l’exemple. »

Nous sommes heureux de pouvoir constater, par le témoignage de Dufay, témoin oculaire des faits, que les mulâtres et nègres libres du Cap reconnurent comme des blancs, la justice de cette sainte réclamation des droits de la nature en faveur des nègres esclaves. Dans l’Ouest, dans le Sud, il en fut de même. Les droits des uns et des autres étaient semblables, comme la couleur de leur peau. Sortis tous de l’esclavage imposé par les Européens à la race