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Cap, les commissaires civils se rendirent sur le Champ-de-Mars où avait été dressé un autel à la patrie : l’arbre de la liberté, le majestueux palmiste des Antilles, y fut planié pour la première fois ; le bonnet phrygien, consacré également à la liberté, reposait au haut d’une pique. Ce jour-là, Polvérel prononça un discours où il rappelait la lutte éternelle des opprimés contre les oppresseurs ; il le termina par le serment prêté « d’être fidèles à la République française, d’exécuter ponctuellement toutes les lois rendues par la convention nationale et celles qu’elle pourrait rendre à l’avenir, de faire une guerre à mort contre tous les rois, contre tous les ennemis de la liberté et de l’égalité. »

Cette cérémonie inaugura toutes celles de même nature qui eurent lieu dans le pays par la suite : tous les gouvernemens s’y crurent obligés, et peut-être en a-t-on abusé.

Le même jour, de nombreux citoyens apportèrent le bonnet de la liberté aux commissaires civils, en les priant de le déposer dans leur demeure. Plus tard, il resta toujours au haut d’une pique placée à côté de l’arbre de la liberté, planté sur la place d’armes de toutes les villes ou bourgades du pays. En le recevant, Sonthonax prononça quelques paroles où il dit aux citoyens : « Vous prouverez que vous avez mérité la liberté… si surtout vous forcez au travail ce tas de vagabonds et feinéans qui ne veulent ni cultiver la terre ni défendre les cultivateurs. En France, le peuple est libre, et il travaille. Souvenez-vous bien que la liberté ne consiste pas à ne rien faire ; sans travail, il n’y a ni repos ni bonheur. »

Si ces paroles prouvent la sollicitude des commissaires civils pour le travail qui ennoblit l’homme, elles témoi-