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leurs maîtres, les plus laborieux, les plus incorruptibles. Si le mariage a produit ces effets salutaires sur eux, que n’opérerait-il pas sur ces mêmes hommes devenus libres ? Ils n’ont plus d’autre maître que la patrie ; leur amour pour elle deviendra d’autant plus énergique, qu’ils auront plus de tendresse pour leurs femmes et pour leurs enfans.

En conséquence, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1er. Tout homme actuellement libre, quelle que soit l’époque de sa liberté, qui voudra épouser une femme esclave, soit qu’il ait eu des enfans d’elle, soit qu’il n’en ait pas eu, se présentera avec ladite femme et les enfans qu’il en aura eus, devant la municipalité du lieu de sa résidence, dans le délai de quinze jours, à compter du jour de la publication de la présente proclamation, et à défaut de municipalité, devant le bureau municipal qui en fera les fonctions.

(Suivent les dispositions sur la constatation de l’état civil).

Article 10. Les enfans nés d’un mariage déjà contracté entre un homme libre et une femme esclave avant la publication de la présente proclamation, seront libres en vertu de ladite proclamation, sans qu’ils aient besoin d’aucune déclaration ni d’aucun acte particulier.

11. Les maîtres des esclaves ainsi affranchis seront indemnisés par la République, de la valeur desdits esclaves, en lettres de change sur le trésor public.

(Les dispositions qui suivent règlent certains détails à ce sujet).

L’article 15 et dernier suspendait l’exécution de cette proclamation dans les provinces de l’Ouest et du Sud, jusqu’à ce qu’un arrêté des deux commissaires civils eût autorisé celui qui était dans le Sud (Delpech), et Polvérel qui allait partir pour l’Ouest, à en faire l’application dans ces deux provinces.

Cet acte, si honorable pour Polvérel et Sonthonax, n’a sans doute pas produit tous les heureux effets qu’ils s’en promettaient ; les circonstances où ils le promulguaient étaient peu propres à faire naître l’esprit de famille parmi des hommes habitués depuis des siècles à vivre dans le concubinage, dont leurs anciens maîtres leur traçaient le honteux exemple. Ces mœurs relâchées n’étaient pas seulement le fait du régime colonial qui empêchait, qui entravait le mariage parmi les esclaves, en dérogation aux dispositions du code noir de Louis XIV. Elles étaient en-