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coup férir. Allemand, commandant du camp non moins important de la Tannerie, le livra à Toussaint Louverture avec qui les commissaires civils l’avaient mis en rapport pour l’amener à la soumission à leur autorité. Un autre, commandant du camp Lesec, le livra ou se laissa surprendre par Charles Lesec, chef noir. Enfin Brandicourt, qui avait remplacé Neuilly dans le commandement supérieur du cordon de l’Ouest, passa aux Espagnols avec des circonstances assez détaillées dans le rapport de Garran, pour prouver sa criminalité. Cependant, dans sa Vie de Toussaint Louverture, M. Saint-Rémy rapporte les faits à la décharge de Brandicourt qui, selon les documens qu’il a vus, sera tombé dans une embûche tendue à sa bonne foi par le rusé Toussaint[1].

À cette occasion, les commissaires civils, sensibles à cette défection de Brandicourt, plus indignés encore de sa trahison, craignant qu’il n’eût des imitateurs parmi les hommes de couleur, adressèrent la lettre suivante à Duvigneau, mulâtre, commandant le poste important d’Ennery qui couvrait les Gonaïves et toute l’Artibonite : cette lettre est du 17 juillet.

Brandicourt était l’enfant gâté de la révolution : il lui devait toute son existence ! Il a trahi sa patrie, il a livré son poste, il a livré sa troupe, ses armes ! Il a voulu livrer un autre poste qui était sous ses ordres ; à qui nous fier désormais ? Nous n’en savons rien !

Vous, enfans du 4 avril ! vous et tous vos frères, abandonnerez-vous la République qui n’existe que par l’égalité, hors de laquelle il n’y a point d’égalité ! Nous laisserez-vous seuls soutenir la colonie et la

  1. Vie de Toussaint Louverture, page 70. — Selon Sonthonax, ces diverses défections entraînèrent celle de seize cents soldats européens envers les Espagnols ou leurs auxiliaires. Débats, t. 9, p. 26.