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porté Biassou à réduire ses prétentions à ce chiffre restreint ?

En considérant donc les circonstances antérieures et celles qui existaient en juin 1793, sans tenir compte de ce qui survint après, nous trouvons que la conduite de Jean François, de Biassou et de Toussaint Louverture fut conséquente à leurs idées, à l’égoïsme dont ils étaient animés. Aucun motif ne pouvait les porter à être plus glorieux d’appartenir à la France plutôt qu’à l’Espagne.

Mais, si nous expliquons la conduite des trois chefs noirs qui étaient les principaux, par leur éloignement pour toute soumission aux commissaires civils, nous ne saurions trouver des termes assez sévères pour condamner, pour flétrir la mémoire de Jean François et de Biassou qui, par la bassesse de leur âme, se livraient tout entiers à l’infâme trafic des noirs comme eux, de leurs frères. À peu près à l’époque dont nous parlons, Jean François écrivait la lettre suivante à l’un des officiers espagnols :


« À Monsieur Tabert… commandant de S. M.


Supplie très-humblement M. Jean François, chevalier des ordres royales et militaires de Saint-Louis, amiral de toute la partie française de Saint-Domingue, conquise, que, comme ayant de très-mauvais sujets, et n’ayant pas le cœur de les détruire, nous avons recours à votre bon cœur, pour vous demander de vous les faire passer pour les dépayser. Nous aimons mieux les vendre au profit du roi, et employer les mêmes sommes à faire des emplettes en ce qui concerne pour l’utilité de l’armée campée pour défendre les droits de S. M. »