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dont ils ne fussent déjà en possession : liberté, grades militaires, distinctions, fortune, propriétés, tout leur était déjà acquis ou promis par le roi d’Espagne. Sous le rapport des distinctions de rang, de titres, la République française qui venait d’abolir la royauté, après que l’assemblée nationale eut aboli la noblesse, ne pouvait mieux faire que la cour d’Espagne, pour capter l’esprit de Jean François, de Biassou et de Toussaint. À leurs yeux, la qualité de citoyen français n’avait pas autant de valeur que les titres de baron, de comte, de marquis, etc., auxquels ils croyaient sans doute pouvoir aspirer, après avoir obtenu la faculté de se chamarrer, de se barder de cordons et de croix. Avec les idées régnantes, dans l’ancien régime, parmi les hommes du Nord, comme nous l’avons fait remarquer, l’esprit de ces trois chefs devait être bien plus séduit par cette perspective, que par celle d’obtenir de la France républicaine les simples grades militaires qu’ils avaient déjà, surtout lorsque les royalistes, les contre-révolutionnaires français avaient exercé tant d’influence sur l’insurrection de 1791.

C’en était assez pour les éblouir et les retenir au service de la monarchie espagnole.

Ces considérations, toutes personnelles à ces trois chefs, avaient plus d’influence sur leur esprit que la liberté offerte par les commissaires civils, en faveur des bandes qui servaient sous leurs ordres. Elle était également o ferte et garantie par les autorités espagnoles, au nom du roi catholique. Et qu’importait à ces chefs la liberté de leurs frères ? En 1791, n’avaient-ils pas voulu les faire rentrer sous la verge coloniale, moyennant cinquante affranchissemens seulement en faveur des principaux chefs ? N’est-ce pas Toussaint Louverture lui-même qui avait