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a pris naissance, qui ont cru devoir imiter ces trames criminelles, et qui ont expié leurs forfaits d’une manière tragique. C’est qu’en effet, la Providence, qui voulut la création de ces hommes, devait lancer ses foudres vengeurs contre tous ceux qui porteraient une main sacrilège sur l’œuvre de sa divine bonté. Quel était évidemment le vœu, le but du Créateur dans la production de cette classe d’hommes nés du contact, du croisement des deux races européenne et africaine, sinon d’amener la première à abolir insensiblement l’affreuse servitude des malheureux Africains transplantés de leur pays natal, à faire prévaloir la justice sur l’iniquité ?

« La nature, dit Garran, toujours graduée dans ses divisions même les plus marquées, semblait l’avoir fait naître de l’union des blancs avec les négresses, en y fondant les deux couleurs, et les rapprochant ensuite dans leurs divers mélanges par des rapports insensibles, comme pour donner aux uns et aux autres cette leçon de fraternité à laquelle nos besoins, nos affections et nos facultés communes devraient sans cesse nous rappeler, malgré la diversité de l’origine et la variété accidentelle des traits, de la couleur, du caractère et des mœurs elles-mêmes[1]. »

Les blancs donnèrent le criminel exemple d’attentats injustes contre la classe entière des mulâtres. Deux chefs noirs, Toussaint Louverture et Henri Christophe, imitèrent ces actes de sauvagerie contre une portion seulement de cette classe. Mais les blancs, et ces deux chefs surtout, ne furent pas déterminés par rapport à sa couleur : ce fut à cause des principes qu’elle représentait[2]. C’est ce que la

  1. Rapport, t. 1er, p. 17.
  2. La preuve de cette assertion, c’est que ces deux chefs, Toussaint L’Ouver-