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s’y livrent avec ardeur, comme les malfaiteurs du Port-au-Prince avaient fait en 1791, après l’expulsion des hommes de couleur. La plupart de ces blancs, ivres de joie et de vin, ne connaissent plus de frein : toute subordination devient impossible parmi eux.

Tel est toujours le résultat de toute entreprise coupable de la part des chefs qui excitent les basses classes de la société au désordre, pour satisfaire à leur ambition ou à leur méchanceté personnelle.

De nouveaux auxiliaires leur vinrent en aide dans cette œuvre criminelle. Avant de sortir du Cap, les commissaires civils avaient vu arriver au gouvernement plusieurs centaines de noirs insurgés qui étaient dans les prisons et qui avaient obtenu leur liberté, c’est-à-dire leur élargissement, qu’ils avaient probablement ordonné : ces hommes y étaient détenus comme prisonniers de guerre faits dans les combats contre les insurgés. Ils demandèrent des armes aux commissaires pour les défendre, ils n’en reçurent que de la nourriture. Si Polvérel et Sonthonax eurent la magnanimité de ne pas les armer contre les blancs, de leur côté ces noirs s’honorèrent en s’offrant pour défendre ces commissaires ; et c’est de là que nous tirons la présomption que leur délivrance était le fait des commissaires civils : en cela, nous devons les louer, car ils devaient craindre que les marins eussent assouvi leur rage sur ces infortunés[1].

Quoi qu’il en soit, ces hommes, mêlés bientôt aux

  1. Les colons ont accusé Sonthonax d’avoir fait élargir ces noirs prisonniers. Il s’en est défendu ; mais Laveaux a affirmé que c’est par ses ordres, en ajoutant qu’ils furent armés pendant la nuit. (Compte-rendu publié à Paris, en 1797, par Laveaux.)