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Réuni à Th. Millet sur le vaisseau l’Eole, que montait le contre-amiral Sercey, ils s’entendirent pour pousser Galbaud aux voies extrêmes dont nous venons de parler. Dès le 10 mai, trois jours après son arrivée, ils commencèrent à lui adresser des lettres dans ce but : ils lui firent communiquer, de concert avec la municipalité du Cap, le testament de mort attribué à Jacques Ogé, le récit historique de Gros, la fameuse lettre de Cougnac-Mion, pour lui persuader que la révolte des esclaves était le fait des hommes de couleur (qu’il faudrait alors sacrifier, afin de faire rentrer ces malheureux dans l’ordre colonial), et lui faire sentir la nécessité de rendre Saint-Domingue indépendant de la France. Déjà, aux Cayes, dans plusieurs de ses écrits, Tanguy Laboissière avait conseillé regorgement de tous les hommes de couleur pour pouvoir maintenir l’esclavage des noirs. Dans un de ces écrits, du 17 juin 1792, il disait « Il fallait sans doute, dans le principe, exterminer la caste des mulâtres, puisque c’est d’elle que nous vient tout le mal, puisque c’est elle qui a commis tous les crimes. » À la fin du mois de mai 1793, il engageait Galbaud à s’opposer à la rentrée des commissaires civils au Cap : il les appelait des brissotins : en cela, il entrait parfaitement dans les sentimens intimes de Galbaud qui, avant son départ de France, par ses lettres aux colons avec qui il était en relations, fulminait contre les Girondins. Et chose étrange ! lorsque Tanguy Laboissière excitait Galbaud contre Polvérel et Sonthonax en les désignant comme des brissolins, Brissot et tout le parti girondin étaient sur le point d’être arrêtés, dans la funeste journée du 31 mai 1793.

Enfin, « peu de jours après, dit le rapport de Gar-