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où il dépeignait les colons sous les couleurs du royalisme et de l’indépendance, n’avait cessé d’écouter les conseils que lui donnaient deux d’entre eux, Thomas Millet et Tanguy Laboissière, pour le porter à expulser ces commissaires de la colonie, afin de rester maître du terrain et de consommer leur projet médité depuis longtemps.

Thomas Millet était un des Léopardins : ce fut lui qui, à l’assemblée générale de Saint-Marc, proposa de décréter que tout blanc qui épouserait une femme de race africaine, fût tenu d’abjurer son nom européen pour prendre un nom africain. Il est inutile d’en dire davantage.

Quant à Tanguy Laboissière, colon de la paroisse de Torbeck, ancien procureur du roi à la sénéchaussée des Cayes, il avait été d’abord du parti du gouvernement colonial ; mais il n’avait pas tardé à passer dans le camp opposé. Après avoir fondé aux Cayes un journal où il distillait le venin colonial contre les hommes de couleur, il était venu se fixer au Cap sous les auspices de Larchevesque Thibaud. Là, en déportant Daugy et Raboteau, en janvier 1793, Sonthonax l’avait nommé membre de la commission intermédiaire, croyant l’attacher à la révolution : il renonça à ces fonctions pour redevenir journaliste, dès le mois de février. Soit dans le Moniteur de Saint-Domingue (feuille officielle), soit dans un autre journal qu’il fonda pendant l’absence de Sonthonax, il ne cessa d’attaquer ouvertement les mesures prises par la commission civile. Du Port-au-Prince, elle ordonna son arrestation et son embarquement parmi les déportés de cette ville, qu’elle venait d’envoyer dans la rade du Cap.