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venir aggraver leur sort, et ravir les espérances qu’ils auraient fondées sur les nouvelles lois.

Lorsque Charles Villeite a dit : Donnez à vos nègres la liberté, et vous couvrez le sol des colonies de combattans, il n’a voulu parler que de cette liberté préparée dont je parle moi-même, qui conduirait les noirs à joindre une propriété à leurs jouissances ; et leur liberté doublera leurs forces pour combattre nos ennemis, qu’ils regarderont alors comme les leurs. »


Voilà qui est bien, sans doute, de la part de J. Raymond ; et il est permis de croire que ses idées ont pu exercer une certaine influence sur les décrets des 5 et 6 mars. Mais, tout à coup cet esprit systématique forge un projet de proclamation à adresser aux esclaves révoltés, dans lequel nous lisons ces étranges passages :

« Rentrez donc promptement dans l’ordre, hommes égarés, hommes abandonnés, et attendez, dans un silence respectueux, les lois qui doivent vous régénérer… Vous vous êtes révoltés contre vos maîtres, au lieu de réclamer leur humanité ; vous avez osé résister ensuite à la volonté nationale, en continuant votre rébellion : sont-ce là vos titres pour mériter votre liberté ? » Est-ce ainsi que vos frères les affranchis l’ont obtenue ? Trouveriez-vous juste vous-mêmes, que la nation récompensât par la liberté tous les crimes et les dévastations que vous avez commis ?… Ce serait donc en vain et injustement que vous argumenteriez sur les droits que la nation vient de rendre aux hommes de couleur et négrès libres, pour prétendre jouir sur-le-champ de la liberté à laquelle vous devez arriver[1]… »

  1. J. Raymond, dans cet écrit, a prouvé que ce sont les colons elles contre--